J’ai traversé, mi-inyourface, mi-crissedefolle. J’ai marché, longtemps. J’ai écrasé le sombre de la semelle de mes bottes. J’ai avancé, un bras devant les yeux, pour empêcher les branches d’érafler mon visage et le reste. J’ai monté les collines à bout de souffle, dévalé les précipices, traversé les étangs boueux à la nage. J’ai marché, longtemps, suivant un chemin que même le soleil ne connaissait pas. Je me suis arrêtée, parfois, me détestant à grands coups de puzzles et de Joni Mitchell, mais juste pour quelques instants. J’ai marché, marché, marché. Puis, lorsque j’ai senti que c’était le moment, je me suis assise à l’indienne, et j’ai levé les yeux vers au-dessus de moi. Le charbon du ciel s’illuminait de miettes d’or, l’air était pur, presque étourdissant, et le silence s’est installé, en dedans comme en dehors. J’avais traversé. Qu’est-ce qu’on fait, quand on a traversé? On se dépose sur la douceur du moment présent, ou on avance un peu plus, des fois que? Man, je m’arrête ou je continue? Avais-je vraiment fait tout le chemin à faire, ou avais-je seulement fait quelques pas plus loin, ou encore m’étais-je trompée d’itinéraire? Et si je continuais, me perdrais-je à nouveau? Y aurait-il d’autres ponts, d’autres falaises? Mais bien sûr qu’il y en aurait, il y en aura. Il y en aura par centaines. J’ai peur de l’immobile comme du mouvement, j’ai peur des marches à deux comme des pèlerinages en solo, j’ai peur que la vie me chie dans ‘pelle. Mais peu importe, car aujourd’hui je sais que j’ai traversé.
Attraversiamo, fuckers.