Si l’absence de sa peau sur la mienne m’a longtemps déchiré, malgré que ce ne soit même jamais devenu une habitude, c’est la présence d’un autre corps à côté du mien qui a brouillé les cartes, bien que j’étais arrivée à panser mes plaies au fil des semaines, des amis qui écoutent, des chansons qui comprennent. Je compare, bien sûr, je mesure, je refais une version améliorée du passé, je cherche des failles au présent.
Pourtant, il y a dans cette complicité qui s’installe quelque chose de confortable, de facile, de prévisible. C’est irréel, c’est hors du temps, c’est une parenthèse à la fois improbable et bien trop évidente. J’en profite honteusement, non pas sans sentiments sincères, mais aussi avec le plaisir un peu malsain de se gaver de love, d’avoir de l’influence, presque du contrôle. Il y a dans ce reflet doré de moi que je vois dans ses yeux quelque chose d’addictif, de quasi-toxique.
Mais je n’y arrive pas. Pas complètement, en tout cas. Il y a toujours cette partie de moi qui ne sait pas, qui ne plonge pas. Qui frôle sans vraiment toucher.
Ça devait arriver pourtant. C’était palpable, c’était dans l’air, depuis longtemps déjà. Et c’est arrivé. Alors je me suis laissée porter par la vague, parce qu’au fond, aurais-je vraiment pu faire autrement, nager en sens inverse? Je n’aurais pas de raison, parce que les choses coulent en douceur, parce que c’est agréable, parce que je n’ai qu’à demander, à ouvrir grand les bras pour qu’on s’y jette.
Mais il y a quelque chose… Quelque chose d’insaisissable, d’invisible à l’oeil nu. J’ai d’abord cru à de la peur, ou un simple besoin de me consoler, ou encore une dépendance accrue aux drames existentiels et aux peines ravageuses. Mais au-delà de tout ça, il y a quelque chose d’autre, quelque chose qui fait que je sors de mon corps et que je me regarde comme jouant un rôle que je n’ai jamais vraiment été sûre de vouloir jouer. Pas parce que je ne suis pas bien, mais parce que je ne suis pas certaine.
Je lui ai dit tout ça. Ce n’était pas une grande surprise, c’était du connu, ma peur de tout. Il y a eu des grands coups de tu veux l’oublier, des grands coups de je suis là pour ça, des grands coups d’il faut en profiter pendant que ça passe. Des grands coups que j’ai niés haut et fort, que j’ai démentis sans relâche. Des grands coups qui ont ensuite fait leur chemin dans ma tête, me laissant avec plus de doutes que de réponses.
Est-ce que douter c’est mentir?
(Source: La vie palpitante de Ariane B)