J’me disais, dans quinze, vingt ans. Après le vin cheap et les hangovers qui viennent avec, les vêtements bon marché qui fit tout croche, les histoires de lust sans queue ni tête qui gardent éveillé des nuits durant. Après m’être frayé un chemin entre les jobines qu’on fait pour le cash et les à-côtés qui mettront jamais de bouffe sur la table.Après avoir bossé comme une débile, entre les pots de pipi, la toile et la scène, en menant de front soixante-quinze vies et peut-être même plus. Après avoir serré des mains, distribué des cartes d’affaires, échangé des courriels, en constant PR mode, histoire de connaître ceux qu’ils faut connaître et ceux qu’il vaudrait mieux ne pas connaître aussi, et histoire, assurément, qu’eux savent qui je suis. Jusqu’à m’être méritée un titre, un bureau avec de grandes fenêtres, un Louis Vuitton peut-être même. J’me disais, avec un mari, peut-être, une petite fille fashionà mort, un petit chien, un poméranien genre, qui sait?

Eh bien, j’y suis. J’y suis avec pas de cash pentoute, des jeans à vingt piasses, la même sacoche à franges que je trimballe tous les étés depuis six ans, certainement pas de mari ni de petite fille et encore moins de chien. Mais crisse, j’y suis. Jamais j’aurais pensé me retrouver, à 24 ans, dans unshowroom à Manhattan, en plein fashion district, à travailler avec des tops du top, à tapocher sur mon Macbook entre un styliste, des mannequins les fesses à l’air, et une entrepreneure qui me lance des «OMG YOU’RE A GENIUS» en pleine face en me regardant pimper son Twitter et qui menace de ne jamais me renvoyer à la maison. J’veux dire, dans quel genre de monde ça arrive, ces affaires-là?

Dans le mien, ça a l’air.

Man, des fois, je love tellement la vie.

(Source: La vie palpitante de Ariane B)